Gérer (vraiment) quand sont délivrés les temps d’écrans de manière à améliorer la collaboration parent-enfant
Nos maisons sont remplies d’écrans, nos enfants veulent s’en servir, nous avons les nôtres dans les mains, bref ceci n’est pas un énième article pour vous dire que les écrans c’est mauvais. Partant du principe que les temps d’écrans sont très désirés par les enfants, je vais ici vous expliquer comment vous en servir (ou plutôt QUAND et comment les délivrer) pour améliorer la vie à la maison pour vos enfants et pour vous mêmes.
Règle numéro 1. L’enfant ne peut pas accéder aux écrans en autonomie. Vous en êtes maître/maîtresse, ça veut dire manquez la télécommande, la switch, la tablette. Si il y a d’autres adultes dans la maison bien sûr mettez-vous d’accord (en cas de famille séparée, grands-parents oubliez, on parle bien de quand VOUS êtes avec votre enfant chez vous et êtes en maîtrise de l’environnement).
Règle numéro 2. Ni menace ni promesse vous ne proférerez. « Si tu fais ça, tu auras netflix », « si tu ne te brosses pas les dents, tu n’auras pas ta switch ». Oui ça nous est arrivé à tous et toutes, oui on a souvent été élevé-e-s comme ça, oui une fois vous vous souvenez que ça avait marché sur votre dernier… Soyons honnêtes: si gronder, féliciter, menacer et promettre fonctionnaient, le rayon « éducation » des libraires ne serait pas si fourni et certainement que la science du comportement n’existerait pas.
Règle numéro 3. « Catch them being good » (apportez une conséquence agréable lorsque le comportement désiré se produit naturellement). Aucun enfant ne se comporte mal tout le temps, aucun. C’est en observant l’enfant et en réagissant dans les 3 secondes qui suivent le comportement adapté que vous pouvez augmenter la probabilité que votre enfant émette ce comportement plus souvent. Pour une fois, votre enfant a joué seul aux lego, certes à peine une dizaine de minutes mais c’est un comportement que vous souhaiteriez voir plus souvent se produire, pour lui tout d’abord mais pour vous aussi. Dans un monde idéal la conséquence la plus agréable à apporter serait de se joindre à son jeu de lego en disant « aaaah tu joues super bien, moi aussi je joue 5 minutes, j’ajoute une tour, regarde! ». Ici on parle d’écrans et d’enfant en vacances/parent sous l’eau. Vous pouvez donc à ce moment dire « tu as joué tout seul aux Lego, je vois que tu t’es bien amusé! Est ce que tu veux un petit épisode de ton dessin animé? » Et vous dégainez la télécommande à ce moment là (pensez bien à la règle des 3 secondes, vous avez proposé un épisode n’ajoutez pas des conditions type « ok alors après le repas tu l’auras » car cela perd tout son sens).
Règle numéro 4. Le mots magique c’est « d’abord » et c’est à vous de l’utiliser quand l’enfant demande l’accès à ses écrans. L’enfant demande iPad/tablette/switch/netflix, au lieu de dire « ah non tu n’as pas fait ton lit/brossé tes dents/ton exercice de maths, tu l’auras quand ce sera fait! » (ceci est une critique doublée d’une promesse), vous pouvez dire (parce que ça marche teeeeeellllement mieux), avec un visage ouvert et souriant « bien sûr, je suis ok pour un épisode de truc/20 minutes de switch/un jeu sur iPad pendant x temps, D’ABORD, finis ton exercice/brosse tes dents ». En gros vous avez dit OUI à votre enfant (et ça fait du bien à tout le monde) ET l’enfant fait ce qu’il a à faire. Certains parents peuvent comprendre ce « d’abord » comme une promesse, pourtant il s’agit juste de préciser l’ordre d’occurence des événements. Si l’on transpose à notre vie, à notre travail, on a souvent envie de faire quelque chose d’agréable (regarder une série, faire une pause café…) mais nous nous organisons par tâche en nous disant « ok, d’abord je termine cette tâche, ma pause café je la prendrai juste après. ». Cette compétence est primordiale pour toute la vie et permet de gérer de façon adaptée les temps de plaisir/de détente et les tâches non préférées.
Règle numéro 5. Mettez vous et votre enfant en situation de réussite. Si votre objectif est 15min d’écrans sur les jours de vacances pour votre enfant de 7 ans, à part si vous partez au fin fond du Sri Lanka en retraite chamanique sur la période des fêtes, ça ne me semble pas adapté. Par exemple, l’utilisation du « d’abord » évoquée plus haut doit être pour une (toute) petite tâche, de façon à mettre l’enfant en situation en réussite (et n’oubliez pas, vous aussi avez envie que l’enfant accède à son temps d’écran pour vaquer à vos propres occupations!). Le « d’abord, range ta chambre » par exemple est trop vague, une tâche bien trop longue et dont l’accomplissement est vu différemment par chacun. A éviter, donc. Selon l’âge de l’enfant et ses capacités choisissez quelque chose qu’il puisse réaliser rapidement comme « ok, d’abord, mets les lego dans cette boîte » ou encore (surtout si l’enfant est en apprentissage du rangement) « ok, d’abord on range les lego dans la boite » et vous le faites avec lui.
Règle numéro 6. Un écran, ça peut arriver n’importe quand et vous avez le droit d’utiliser leur puissant pouvoir pour VOUS faciliter la vie. Quand VOUS avez besoin de mettre les enfants devant un écran (cuisine/rangement/bout du rouleau), n’hésitez pas à anticiper et à délivrer l’écran sans que les enfants s’y attendent parce que VOUS savez que vous en avez besoin. Les enfants seront ravis de toute façon et cela montre (sans crier ni menacer) que VOUS êtes en maîtrise de l’objet. En gros vous faites les courses, les enfants sont devant la maison aucun comportement inadapté et ils ne savent pas ce qui se passe ensuite vous pouvez dire « Je vais vous mettre un film les enfants! ». Je pars du principe que vos enfants savent déjà qu’ils devront enlever leurs manteaux, quitter leurs chaussures et laver les mains mais si ce n’est pas le cas vous pouvez toujours les guider et leur dire « d’abord manteau » par exemple ou le faire pour eux. Ce n’est pas le moment d’ajouter une douche ou un pyjama à mettre, vous avez dit film, vous le donnez le plus vite possible.
Règle numéro 7. Ne jamais délivrer les écrans quand un comportement inadapté se produit. Les fêtes étant proches au jour où j’écris cet article je prends cet exemple. Aucun enfant de 6 ans n’appréciera de rester à table 3h avec des adultes qui bavassent : le monde autour, le bruit, la présence d’autres enfants, encore une fois soyez réaliste dans ce que vous attendez de lui/d’elle. Manger devant un film de Noel c’est quand même très chouette et si l’enfant préfère être avec vous ou circuler entre les deux c’est très bien aussi. Ce que l’on veut éviter à tout prix c’est d’apporter les écrans comme conséquence de comportements inadaptés. Par exemple les cousins commencent à se taper dessus, vous êtes agacé-e et vous dites « arrêtez de vous battre/de vous agiter, bon je vous mets un film! ». Dans vos actes vous apportez clairement une conséquence agréable à un comportement inadapté et… vous augmentez ainsi la probabilité que le comportement se reproduise! Parce que non, « gronder » ne marche pas, c’est bien le fait de mettre le film qui sera la conséquence importante pour l’enfant.
Vous l’aurez compris, le timing est la clef. Vos enfants vont se gaver d’écrans pendant les vacances, autant que cela permette une meilleure ambiance et une meilleure communication dans la famille… Observez, soyez justes, choisissez des tâches faciles à réaliser quand vous demander quelque chose à votre enfant et utilisez aussi les écrans pour vous, quand vous en avez besoin (parce que nous aussi, nous avons droit à un temps d’écran!) et avant que tout comportement inadapté se produise. Les enfants comprennent très rapidement leur intérêt quand ils voient les conséquences immédiates de leurs comportements donc parlez moins, ne promettez rien, ne menacez pas, agissez de façon juste et surtout donnez leur les écrans mais pas à n’importe quel moment. Bon courage à tous et à toutes!
Pour aller plus loin sur la parentalité durant les vacances et plus précisément « que faire de ses enfants » (timing des écrans mais aussi relations de la fratrie, choisir ses « batailles » et temps pour nous) pendant cette période pour que tout se déroule au mieux pour chacun, vous pouvez vous inscrire au webinaire gratuit (lien zoom envoyé directement par mail le jour du webinaire) du mardi 20 décembre à 20h en donnant nom et prénom à contact@abashoshin.org
Notes: Je ne vais même pas entrer dans les raisons émotionnelles et le bien-fondé moral de ne pas utiliser promesse et menace parce qu’en analyse appliquée du comportement on regarde ce qui fonctionne. On va donc ici on va essayer d’être objectifs plutôt que jugeants: promettre et menacer ne « fonctionnent » pas, n’améliorent pas le comportement des personnes sur le long terme et même sur le court terme, ce n’est pas une approche qui donne de bons résultats. Je vais même aller plus loin: le cerveau des enfants, qu’ils soient en situation de handicap ou neurotypiques, qu’ils aient 3 ans ou 10, est rarement capable de visualiser « la carotte » proposée pour dans 1h ou ce soir, tout comme la possibilité d’un retrait futur d’une chose appréciée. Ce qui se produit souvent ce sont des manifestations de colère, d’opposition et dès qu’ils grandissent, des accusations de manipulation (« grrr je REFUSE de me plier à ton ordre de maintenant pour avoir ça plus tard!! »).
Grossièrement, analyse appliquée du comportement, lorsque l’on façonne des comportements on travaille avec les 3 piliers suivants: renforcer (apporter une conséquence agréable immédiatement après l’occurrence d’un comportement) les comportements adaptés, enseigner les comportements manquants au répertoire et réduire les comportements inadaptés.